Lyon : qui est Jean Nallit, résistant décoré par Emmanuel Macron ?
article paru dans Lyon Capitale le 9 OCTOBRE 2019 par
“Le nombre de fausses identités qu’on a pu faire !”, quand Jean Nallit raconte sa vie de résistant à Lyon, il y a dans son regard un air malicieux, mêlé à une fierté d’avoir pu tromper les nazis et le régime de Vichy avec une rare efficacité. Durant la Seconde Guerre mondiale, ce Lyonnais, né en 1923, travaille à la centrale thermique de la Compagnie du Gaz dans les usines de la Mouche. Fils d’un grand invalide la Grande Guerre, il n’a alors que 18 ans. Certains ouvriers observent ses faits et gestes jusqu’à ce que l’un d’entre eux vienne lui proposer d’entrer en résistance. Jean Nallit n’hésite pas et rejoint le réseau Charrette, dont le chef est le neveu du général de Gaulle.
Spécialiste des faux papiers
À l’intérieur, Jean Nallit est “adjoint au responsable du service d’identité dans la région lyonnaise“, chargé de la distribution des faux papiers, fausses cartes, faux extraits de naissance, faux laissez-passer. Grâce à ce réseau, 30 000 faux papiers ont été fabriqués, dont 300 pour des juifs. C’est un véritable travail d’orfèvre qui a été réalisé par ses membres pendant plus de trois ans. “Ces papiers étaient indécelables“, confiait Jean Nallit à Lyon Capitale en 2012. Néanmoins, s’il n’arrête pas de réaliser de faux papiers pour les autres, il ne le fera pas pour lui-même, gardant jusqu’au bout sa vraie identité. Il est arrêté en mars 1944 par la Gestapo, torturé dans les caves de l’ancienne école de santé militaire, avant d’être envoyé à la prison de Montluc : “Nous étions dans les autres ateliers, de l’autre côté du bâtiment. Je suis resté un mois avant d’être déporté et j’ai eu le temps de voir les gars partir se faire fusiller”. Jean Nallit est déporté le 1er mai 1944, interné au camp de Buchenwald sous le matricule “49839“, le 14 mai de la même année.
La marche vers la mort
Le 11 avril 1945, son commando est évacué, les nazis poussent les prisonniers dans une marche de 1 000 km à travers l’Allemagne, vers la mort. Ils doivent être envoyés à Lübeck au bord de la mer Baltique, pour y être noyés, “10 000 des nôtres ont été exécutés comme cela“. Le 8 mai 1945, après 900 km de marche, des soldats américains libèrent son groupe. Jean Nallit ne pèse plus que 38 kilos. À son retour à Lyon, il est méconnaissable. Il retourne travailler, mais il découvre qu’il doit désormais obéir à d’anciens collaborateurs qui ne lui feront aucun cadeau.
En 1947, Jean Nallit est décoré de la Médaille de la Résistance, fait commandeur de l’Ordre national de la Légion d’honneur en 1983, puis Juste parmi les nations en 1992. Le 9 octobre, le président Emmanuel Macron lui remettra l’insigne de grand-croix de la Légion d’honneur. Mais lorsqu’on a la chance de croiser Jean Nallit, son visage s’éclaire lorsqu’il parle de ce qui l’encourage le plus aujourd’hui : “J’ai témoigné devant plus de 100 000 élèves“. La malice se fait alors plus forte dans son regard, il est l’un des derniers héros de la Seconde Guerre mondiale encore en vie à Lyon et son témoignage, un cadeau à la valeur inestimable.